Cette année, je participe pour la 4ème fois consécutive à l’opération La BD fait son festival, organisée par PriceMinister. Le principe : les blogueurs choisissent une BD parmi une liste proposée, reçoivent la BD  puis écrivent une critique.

J’ai donc reçu la BD S’enfuir, récit d’un otage, de Guy Delisle, aux éditions Dargaud, ce qui m’a fait très plaisir car je n’avais encore rien lu de Guy Delisle, tout en ayant entendu énormément de critiques positives concernant ses précédents ouvrages, notamment Chroniques de Jérusalem.

Cette BD retrace une histoire vraie qui pour une fois ne concerne pas l’auteur personnellement :

En 1997, alors qu’il est responsable d’une ONG médicale dans le Caucase, Christophe André a vu sa vie basculer du jour au lendemain après avoir été enlevé en pleine nuit et emmené, cagoule sur la tête, vers une destination inconnue. Guy Delisle l’a rencontré des années plus tard et a recueilli le récit de sa captivité – un enfer qui a duré 111 jours. Que peut-il se passer dans la tête d’un otage lorsque tout espoir de libération semble évanoui ? (source Dargaud)

Première impression : S’enfuir est un vrai pavé de 428 pages ! La couleur prédominante est d’un gris un peu bleuté, qui s’éclaircit ou s’assombrit au fil des pages.
Le récit sera principalement un monologue démarrant par l’enlèvement de Christophe André. On suit l’otage dans son questionnement (il ne comprend rien à ce qui lui arrive), son désespoir quand il se rend compte qu’on l’emmène en Tchétchénie, sa souffrance et sa déchéance physiques (attaché à un radiateur dans l’obscurité, il passe des semaines sans voir la lumière du jour ).
Comment un otage vit-!l sa captivité ? “Être otage, c’est pire qu’être en prison. Au moins, en prison, tu sais pourquoi tu es enfermé.”, nous dit Christophe André. Sans aucun lien avec l’extérieur, si ce n’est la visite d’un de ses kidnappeurs lui apportant ses repas ou l’emmenant aux toilettes, Christophe André tente de garder la notion du temps qui passe, ce qui participe aussi à son désespoir grandissant. Il se remémore les campagnes napoléoniennes, s’invente des dialogues, puisqu’il n’a aucune activité, pas de livres, rien. En outre, la peur est présente constamment, peut-être sera-t-il exécuté sommairement puisqu’il ne comprend pas pourquoi il a été enlevé…
Une des planches les plus marquantes justement est celle où son monologue intérieur disparaît complètement, on sent qu’il touche le fond, il perd espoir.

S’enfuir, récit d’un otage, m’a bouleversée car nous ne savons pas grand-chose finalement de la manière dont les otages vivent leur captivité. Cette notion de temps qui s’étire, sans espoir, sans autre horizon qu’une chambre ou un placard sombre, est terrible. Le face-à-face avec soi-même, la dépression, l’impossibilité de communiquer avec qui que ce soit, l’espoir qui renaît puis qui disparaît, comment l’imaginer ?
J’ai bien aimé aussi les petits moments où Christophe André retrouve goût à la vie par le biais d’une gousse d’ail frottée sur du pain, la lumière du soleil, une chanson qu’il reconnaît…

Le suspense est présent, bien sûr, les geôliers sont imprévisibles, et Christophe André a plusieurs fois pensé à s’enfuir pendant son emprisonnement. Comment une personne “ordinaire” décide -t-elle de tenter de s’échapper, sachant que sa vie est en jeu si on la retrouve ? Peut-être qu’à un moment, le statut de victime devient si insupportable que l’action est la seule solution…

Curieusement, l’enfermement de l’otage dans sa chambre se transmet au lecteur, lui aussi emprisonné dans ce livre. Le huis clos est parfois étouffant et dérangeant. Le regard guette, d’une page à l’autre, le moindre changement, on en vient nous aussi à attendre la libération de cette monotonie présente jusque dans les dessins de Guy Delisle. Je n’ai pas trouvé cela ennuyeux, bien au contraire j’ai été fascinée par cette introspection, cette plongée dans les pensées de Christophe André et j’ai lu ce livre presque d’un trait, avec une boule au ventre, un peu comme si je regardais un film.

Je mets la note de 18 sur 20 à cette BD que j’ai trouvée captivante.

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