Cela fait à présent plusieurs années que je participe à La BD fait son festival, une opération organisée par Price Minister Rakuten. Le principe est toujours le même : les blogueurs choisissent une BD qui leur est envoyée. En contrepartie, ils doivent rédiger un article sur cette BD.

Mon choix s’est porté cette année sur le roman graphique Ces jours qui disparaissent, de Timothé Le Boucher, aux éditions Glénat.L’histoire :

Lubin Maréchal, jeune acrobate d’une vingtaine d’années, se réveille en constatant qu’il n’a aucun souvenir du jour précédent. Dès lors, il ne vit plus qu’un jour sur deux et se rend compte que les autres jours c’est un “autre” Lubin qui habite son corps. Cette deuxième personnalité l’envahit peu à peu et il se met à communiquer avec son double par vidéo. Jusqu’où ce dédoublement ira-t-il ? Qui va l’emporter ?

Mon avis :

J’ai été fascinée par cette histoire complexe. Le thème de l’aliénation m’a rappelé des oeuvres littéraires telles que L’étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, de Stevenson, mais aussi Le Portrait de Dorian Gray, d’Oscar Wilde, ou même Othello, de Shakespeare.

S’aliéner, c’est devenir autre. Avec cette BD, on oscille d’abord entre les explications surnaturelles ou rationnelles : Lubin est-il effectivement habité par une autre entité, ou bien est-il en train de devenir fou ? Le double de Lubin est organisé dans son travail et arrive sans problème à trouver un emploi et gagner sa vie. Le “vrai” Lubin (ou du moins celui qu’on suit dès le début de la BD et qui nous est présenté comme tel) est un artiste passionné par le cirque mais a du mal à se discipliner, il vit au jour le jour, sans se soucier de l’avenir. On peut ainsi considérer que le personnage a deux facettes et qu’il est tiraillé entre le désir de faire ce qui lui plaît vraiment et celui de rentrer dans la norme pour s’intégrer dans la société. Ce mal-être se traduit par une altérité : qui est le vrai Lubin , comment l’acrobate peut-il trouver son équilibre en jonglant avec ces deux personnalités ?
J’ai lu une interview de Timothé Le Boucher où il explique qu’il a lui-même dû se poser la question de travailler dans le domaine de la bande dessinée, qui le passionnait, ou bien se diriger vers un emploi plus stable, plus raisonnable, mais moins stimulant pour lui. L’âge du héros est celui auquel on est confronté à ce genre de choix. D’ailleurs le temps est traité d’une manière très surprenante dans cette BD : au début, on suit le héros au jour le jour, le temps passe assez lentement et puis tout s’accélère, donnant au lecteur une impression de vertige, de fuite en avant. On suit ainsi Lubin dans toute sa vie, on le voit vieillir en accéléré. J’y vois un autre dédoublement  : on se voit identique malgré le temps qui passe. Notre propre perception de la réalité s’oppose à celle de l’autre. On voit l’autre changer mais on a l’impression d’être toujours pareil…C’est là que l’aspect visuel de la BD est intéressant : la voix narrative est la même mais le héros vieillit sous nos yeux. C’est tout le paradoxe du temps qui passe.

En conclusion, j’ai vraiment adoré cette BD qui m’a passionnée et fait réfléchir…Je lui mets la note de 18 sur 20 !

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